IRIS: NIVEAU 10 SUR L'ECHELLE DE LISSON

Iris Rutz-Rudel et Christine, copines depuis deux heures
Iris Rutz-Rudel et Christine, copines depuis deux heures

 

 

 

 

 

 

 

 

J'ai "rencontré" Iris,

de manière cybernétique,

en échangeant avec elle

des commentaires

au bas d'un billet

du blog d'Hervé Lalau,

il y a quatre ou cinq ans.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Elle m'avait semblé quelqu'un de très droit dans ses avis, sûre de ses convictions, éminemment intelligente, cosmopolite et dotée d'une capacité rare à intégrer la diversité; donc forcément tolérante aussi. 

 

Je suis un "curieuze neus", et même un "curieuze mosterdpot", le nosy parker des Britanniques. Il fallait donc que j'en susse plus et j'ai cherché. Je vous renvoie au site du Domaine de Lisson pour les détails biographiques et pour l'hagiographie. Le reste, c'est elle qui me l'a appris, lors des échanges épistolaires ultérieurs, au téléphone (une seule fois je crois) et hier après-midi, surtout, en un condensé trés digeste, sorte de fumet concentré du jus intérieur de son existence.

 

Après des divergences d'opinion - on appelle cela ainsi - quant à la manière de se détendre et de donner du piment à l'existence ("Vous aimez mes tortillas, Senor?", de Maurice de Bevere = Morris) entre Christine et moi, c'est enfin vers 17 heures que la Kangoo serra le frein à main devant une bâtisse de cachet, manifestement inachevée, manifestement spéciale, quelque part sur un chemin improbable à quelque distance de la Jaur, avant que celle-ci n'aille entremêler ses eaux surgies à Saint-Pons-de-Thomières avec celles de l'Orb.

 

Avant cela, nous avions cheminé entre les cèdres, les châtaigniers, les chènes verts, les oliviers, quelques cerisiers aussi, et avions furtivement aperçu, out there in the distance, des vignes en terrasse sur une pente ... très en pente; le tout sous le regard de granit, de gneiss et aussi de schiste des Monts de l'Espinouse, Caroux en tête. J'adore ce piémont du massif cévenol, ce contrebas oriental de la Montagne Noire, si bien raconté par le fascinant Jean-Claude Carrière, natif lui-même de Colombières-sur-Orb. Je ne me souviens plus s'il s'agit de Colombières-Haut ou bien de Colombières-Bas. Ce détail est important pour le "droit" de pêche - clandestine - à l'écrevisse. 

 

Je vais vous faire le récit - embelli ou noirci, je ne sais, par ma propre imagination - de ce qu'il faut savoir d'Iris sans avoir osé le demander.

 

Les Français, ni les Belges, ne connaissent bien Düsseldorf. Pourtant, des cohortes de Belgiens et de Bataves déferlent chaque année pour son "Mardi Gras". Centre d'une communauté de 12 millions d'âmes au moins, très riche et chargée d'histoire, cette ville d'un gros demi-million d'habitants se pose sur le bord du Rhin, dans cette Ruhr industrielle abondamment bombardée  (onomatopée réussie) à partir de mai 1943, patrie aussi du groupe de rock électronique Kraftwerk. Qui ne se souvient de leur "Radioactivity"? Grosse communauté japonaise, centre d'affaires important, fortunes colossales, siège de foires (dans son ensemble de congrès, Messe) comptant parmi les plus importantes au monde, elle garde aussi vivante la tradition des carnavals rhénans, mais le zénith de ses festivités, sa fête foraine, a lieu en juillet, elle. Je n'y suis jamais allé.

 

Ce creuset industriel, commercial, culturel doit pouvoir générer des envies "d'autre chose", loin des minerais, des cotations en bourse, des hydrocarbures, de la silicone, des souvenirs des raids des Avro Lancasters et des B-29 ... Enfin, je suppose que c'est un des moteurs de Lisson. Moi, j'ai entretenu à l'âge tendre une amourette avec une charmante Néerlando-indonésienne née à Wuppertal, mais cela n'a strictement aucun rapport. Le moteur était plutôt testostéronique.

 

Les bâtiments où vit notre Iris, car il faut retrouver le fil du récit, passèrent en plusieurs étapes des mains théoriques d'acquéreurs successifs à celles tout aussi théoriques d'un industriel de la chimie du pétrole. En effet, aucun n'y vécut et aucun n'y apporta les améliorations qui s'imposaient. Jusqu'à ce que, en 1976, Claude Rudel, ne décide d'investir les lieux et de retaper le corps de logis. C'est une paire d'années plus tard, Iris m'a précisé les péripéties mais elles n'apportent rien à mon exposé et compliqueraient un récit déjà touffu, qu'elle fit sa rencontre, et ensuite sa conquête (!), balayant les obstacles comme ils allaient le faire ensemble par la suite des tonnes de gravats à venir. On décida alors aussi de planter 1,5 ha de vignes sur les anciennes restanques qui surplombaient l'habitation, en friche mais aménageables et complantées de picholines. C'est ainsi que Lisson retourna à sa vocation ancienne de vignoble cévenol. 

 

L'histoire des vingt années suivantes est le récit d'une vie sans eau courante, sorti du petit jet fourni par une source - nous en avons bu - qui finit par jaillir (à présent) d'un banal robinet au-dessus d'un évier, sur le mur extérieur de la "pièce à vivre " (et à dormir) unique. Pour la douche, on faisait "comme avant".

 

J'ai passé moi-même quatre années, avec la mère de mes deux fils bien avant qu'elle ne le devînt, dans un studio d'étudiant au dernier étage d'un "immeuble de rapport" de l'avenue Carton de Wiart (Jette) où le seul point d'eau se trouvait également au-dessus de l'évier. Mais c'était à l'intérieur et on y avait installé un petit chauffe-eau à accumulation de 5 litres. Avouons que les vraies ablutions avaient souvent lieu dans les salles de sport, après l'entraînement.

 

C'est aussi l'histoire d'une autarcie relative, la vente de vins de très haute gamme,  mais en petite quantité et sans appellation de prestige, devant permettre d'acheter ce que l'on ne pouvait pas produire ou fabriquer soi-même. Kein einfacher Auftrag

 

C'est je pense également l'histoire d'un accomplissement personnel, d'un grand amour, d'un énorme effort perpétuel mais allant de soi. C'est une histoire pudique, belle, discrète, héroïque, romantique et sans doute un peu romancée, par les autres, par le temps, par la Tramontane et les autres vents des Cévennes, les bruissements de l'air de l'Hérault, le souffle des Trobadors d'Occitanie et des Minnesänger, conteurs itinérants de la lointaine Germanie.

 

Et arrive l'accident ...

 

Lisson rebondit, Iris rebondit et ce n'est plus Claude mais Klaus: elle repart pour 13 ans encore. La modernité frappe à sa porte: internet se branche sur la ligne de téléphone présente heureusement depuis les temps immémoriaux, alors qu'aucun câble électrique n'a jamais apporté la force motrice jusque là. Et les panneaux photo-voltaïques viennent compléter le générateur électrique; enfin, pour tout ce qui accepte de fonctionner en 12 ou en 18 volts. Une fois qu'on passe à des tensions supérieures, une intensité de 2 ampères représente le summum de ce qu'on peut obtenir. Qu'elles sont dures, les lois de Georg Ohm! Mais on supporte mieux les contraintes que l'on s'est imposées soi-même.

 

Je ne pense pas avoir le droit de détailler autrement le cheminement. Je ne m'en sens pas l'envie non plus. Klaus s'est éteint l'hiver dernier, à l'hôpital, presque paisiblement. 

 

Ma - première - rencontre avec Iris sera je pense suivie d'autres, si elle le veut bien. J'ai découvert quelqu'un qui correspond à 100 % à l'image qu'on obtient d'elle par le biais de sa réputation publique, sauf qu'elle est allée PLUS LOIN dans la fidélité à son projet, la conformité à son choix, l'acceptation d'une démarche stricte. Il y a certainement des tendances masochistes dans sa personnalité, comme chez tous les porteurs d'un vrai projet que j'ai rencontrés lors de ma vie. Alors qu'on peut sans problème se contenter d'une existence filant sur la berge alanguie d'un "long fleuve tranquille", certains d'entre nous s'embarquent sur une galère devant franchir des rapides, naviguer contre le courant, éviter les récifs.

 

Notre amie la chèvrière de Bonnanech, Alison, est aussi faite dans cette pâte, la pâte de la VIE. Il faut que je les fasse se rencontrer, je suis sûr que le courant passera. Je soupçonne  même que cela génèrera de la Très Haute Tension ... âmes fragiles s'abstenir.

 

De l'échelle de Lisson, qui compte dix niveaux, ou de celle de Richter, dite "ouverte", laquelle convient le mieux? Je vous en laisse ... juge *. Pour moi, Iris, a atteint le point culminant.

 

Elle a fait trembler la terre de Lisson, elle a fait trembler sa vie.

Nous sommes nombreux aussi, ceux qu'elle a fait vibrer.

 

 

*: jeu de mots très drôle réservé aux polyglottes confirmés

 

 

Write a comment

Comments: 3
  • #1

    Michel Smith (Sunday, 02 August 2015 17:14)

    Pas vue depuis un bail, mais je l'embrasse !

  • #2

    thysebaert (Monday, 03 August 2015 14:45)

    Mais non Léon, t'es pas touffu !
    Fil de soie ou miettes de pain, chacune de nos vies est un labyrinthe et certains sont passionnants - inspirants - à découvrir/parcourir (comme celui d'Iris).
    Mosterdpot ? Ja, mais G.C.C. hahaha

  • #3

    Thysebaert (Monday, 03 August 2015 16:14)

    ...et sûrement pas tout fût. Vive le fruit(é) de la vigne ...et de la vie.