PAS PATRIOTE: C'EST GRAVE, DOCTEUR?

Quelques mois avant mon installation en France
Quelques mois avant mon installation en France








Deux lectures récentes

ont déclenché ce texte.











Je vous ai parlé ce matin du livre d'Axel Kahn. Il y fait aussi un éloge curieux du patriotisme et de sa version plus restreinte dans l'espace, le régionalisme. Selon lui, un des facteurs de la réussite relative du Sud-Ouest de la France, et du Pays-Basque, par opposition aux contrées du nord-est, serait un fort attachement d'amour-propre au pays. Il l'oppose même à la mondialisation, tout en admettant que celle-ci est inéluctable.


Il y a aussi le billet du jour d'Hervé Lalau: ICI. Il y déplore, comme à son habitude, que des bulles très promotionnées (horreur de vocabulaire) par la GD belge aient à présent revêtu un caractère non-hexagonal, italien et espagnol en l'occurence.


Or, je tiens ces deux personnages pour des humanistes, au sens où je l'entends: ancrés dans le monde séculier, avec générosité, ouverture d'esprit et même indépendance, instruits, communicatifs et sociables. Cela n'empêche pas d'avoir des convictions ou même un petit fond de foi ou d'allégeance politique et philosophique.


Je ne me sens pas un gramme de patriotisme, et de moins en moins à mesure que ma vie s'effiloche vers son dénouement. Pourtant, je suis un "ketje" et mon origine bruxelloise m'amuse. 


On me dit un peu rebelle. Je ne pense pas que ceci constitue la cause de ce désintérêt pour l'esprit de clocher, avec tout ce qu'il a de petit mais aussi, je ne le nie pas, de sympathique: le rapprochement avec ses semblables, le renforcement dans l'adversité, la solidarité qu'il peut engendrer, l'étude de ses traditions et la connaissance de son passé, la pratique d'une langue ... autant de choses qui rendent humain, selon moi.


Déjà, gosse, je soutenais les rouch' du club de football de Liège (Sclessin) plutôt que les mauf' d'Anderlecht, pourtant équipe phare de la Belgique à l'époque et étoile de la région bruxelloise. 


Je ne vois aucune objection à aimer son environnement immédiat, sur base de ses mérites, mais pas pour l'unique raison que c'est de là où on vient, personnellement soi-même.


Le "proud to be American" me sidère d'abord, il me révolte ensuite. Cette nation représente, après 3 siècles d'existence (on ne va pas chicaner), un condensé de l'abomination absolue perpétrée par la race humaine. Cela étant, j'ai rencontré des dizaines de citoyens américains qui auraient pu devenir des amis et il y en a sans doute des millions. Ce pays est intimement convaincu qu'il sert d'exemple et que la majorité des gens rêvent d'en faire partie. Le but de cette chronique est ailleurs: je dirai simplement qu'ils se trompent lourdement.


La deuxième nation à partager ce fantasme hallucinant est la France. Je le subodorais avant de m'y établir, j'en ai la démonstration quotidienne à présent. Mais cette manifestation d'ensemble ne traduit pas la même réalité individuelle. Aux US of A, les gens "érudits" prennent du recul par rapport à cela et le niveau d'instruction très bas de ce peuple - je ne parle pas des techniques, où il est en avance - contribue à faire accepter par la masse ce qui est dans l'air du temps: we are the best. On ne vous explique généralement pas pourquoi. De même, sa fermeture totale envers le monde ne lui permet pas de comparer. Il existe des sports où les "champions du monde" sont décidés par des compétitions qui n'ont lieu qu'entre Etatsuniens et sur leur sol exclusivement. 


En France, presque tout le monde participe de cette extravagance, penseurs et "élites" compris. Et on vous explique pourquoi: les Lumières, les droits de l'homme, la mode, le luxe, la gastronomie ... Rien de cela ne soutient le moindre petit examen critique.


D'autres "grands" pays, car je ne conteste nullement que la France en fût un, ou en tout cas l'ait été, présentent aussi une fierté nationale: les Britanniques, les Allemands, les Italiens, les Argentins sans doute, les Turcs ... Mais elle est chez eux plus joyeuse, plus "bon enfant", plus enthousiaste et surtout moins arrogante face aux autres. Et qu'on ne vienne pas me dire que la cohésion nationale et la cohérence du territoire sont plus entiers et plus anciens en France: Catalogne du nord, Savoies, Alsace-Lorraine, Corse, Aquitaine même, Pays Basque ... autant de rattachements assez récents.


En même temps, pris en petit comité, les Français me plaisent. Je me sens TRES différent mais aussi très capables de m'adapter à leur mode de vie, sinon leur mode de pensée. Ce qui gêne en France, c'est l'état français et ses propriétés collectives.


Si on exclut tous les particularismes: l'animosité basque envers l'Espagne institutionnelle, les Kurdes face à leurs boureaux turcs ou irakiens (et autres), l'ancienne IRA envers Londres et les dizaines d'autres au caractère régional, il n'y a que deux nations au monde qui cristallisent réellement les attaques (symboliques ou réelles) à grande échelle : les US of A et la France. Je pense que ce n'est pas sans rapport.


Parfois, je m'ouvre prudemment de cet état de choses autour de moi. Plutôt que de me contredire ou de se questionner, mes interlocuteurs me répondent: "Pourquoi est-ce que tu ne t'en vas pas? " Or, je respecte leurs lois, je remplis toutes mes obligations, j'y ai abandonné tout ce que j'ai, mes vignes ne sont pas transportables, la vie de Christine la retient ici etc ... Voilà des raisons pratiques pour rester.


Mais il en est une autre: la terre appartient à tout le monde, partout, dès lors qu'on la respecte.

Et je crois que c'est cela qui anéantit, du moins au niveau de l'esprit, toute forme de patriotisme en moi.






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