NOUS AVONS "CELLIER" LES AMITIES

Michèle et Michel, Christine (isolée au centre), Patrick et Dominique
Michèle et Michel, Christine (isolée au centre), Patrick et Dominique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ceci fut 

le point d'orgue

d'une belle semaine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je me suis fait rare sur la toile, depuis lundi. Ceux qui me lisent avec dépit - pourquoi prennent-ils alors cette peine? - ont joui d'une semaine de ... répit. Les autres savent que je me rattraperai, et vite: il y a tant de choses à raconter, à vous raconter, à leur raconter.

 

"Normalement", j'avais prévu un méga-barbecue sous les étoiles, avec de la barbaque, des phlébotomes, des moustiques-tigres et des Culex pipiens normaux aussi. Mais Patrick en a décidé autrement. E-mail et puis coup de téléphone: "Je veux vous inviter tous samedi soir, mais dans un endroit bien, genre slow-food local." Bon, les endroits "bien" et "slow-food" en même temps, je sais vaguement ce que c'est, mais le côté conventionnel du "bien" et le caractère sectaire et normatif du "slow-food", je ne m'y conforme pas facilement. 

 

Ma contre-proposition a consisté en un lien vers le site de l'Auberge du Cellier, assorti de mon petit commentaire personnel sur le style du chef et l'historique de l'endroit. J'ai téléphoné dix minutes plus tard afin d'effectuer la réservation, pour aprendre que Patrick avait déjà fait le nécessaire ... incognito. Lisez plus discrètement que moi. 

 

FB nous a montré ensuite la très belle image d'une tête d'ail jeune rôtie accompagnée de rancio sec, que j'ai partagée. Cela a son importance pour la suite. J'en profite, en incidente, pour rappeler que Lilly, la Liliane du domaine du Galantin à Bandol, m'avait donné jadis la recette de sa crême d'ail pour laquelle elle fait macérer l'ail dans du lait chaud et de la crême fraîche - oui, oui, des Varois qui utilisent un produit laitier plutôt que de l'huile d'olive !!!! - ce qui lui enlève le mordant mais pas la saveur. Avec l'agneau tendre d'avril, ce condiment réduit en purée fait merveille.

 

Hier soir donc, sur le coup de 20 heures, notre petite escouade a franchi la porte vitrée de la rue de Sainte Eugénie. Je vous présente ce A-team comme je l'ai fait auprès du chef.

 

Michel, tout d'abord, fait partie de mon monde depuis le tout début de notre vie d'adultes. Sa famille, originaire des alentours de Westkapelle, cet autre bout de la Flandre occidentale perdu près de la Hollande (ma mère à moi est née dans le Westhoek, du côté de la frontière française), ne l'a pas empêché de faire ses humanités en région bruxelloise, et dans le régime francophone, comme moi, avant de choisir la VUB comme alma mater. Son patronyme commence par "I" et le mien par un "C": nous étions donc proches sur les listings alphabétiques et on s'est rencontrés assez vite. Football dans l'équipe de notre année, passion du vin, individualisme forcené, dégoût pour les cons et les conventions, amour des jolies jeunes femmes pas trop bégueules ... nous devions forcément nous entendre. Et ce fut le cas. Cette amitié ne s'est jamais démentie depuis lors (quarante deux années pleines) alors que notre crin est devenu chenu. 

 

Michèle ensuite: ben, elle est la meuf à Michel. Elle vient des environs de Wavre, comme mes grands-parents paternels, qui avaient pignon sur rue à la Place Bosch et à Walhain-Saint-Paul. Et puis, les hasards de la vie ont fait que nous fûmes souvent de garde ensemble, en 1984. Cette jolie jeune femme, pourtant toute menue, retournait à l'époque avec grande énergie les opérés de la salle d'orthopédie de l'Hôpital Brugmann où elle travaillait, comme moi à ce moment-là. Sa qualité de copine d'un ami la protégeait de toute taquinerie de ma part ... ce que ne pouvaient pas espérer toutes ses collègues. No comment. Le nombre de tables que Michel, Michèle et moi avons fréquentées ensemble depuis cette période dépasse l'imaginable.

 

Patrick, lui, a croisé ma route car il est sans doute, de tous les collègues de Michel, celui qu'il préfère. J'espère ne pas offenser notre ami Axel en écrivant cela. Mais Axel et Michel se côtoient journellement, ce qui ajoute une dimension professionnelle au côté amical. Et c'est ainsi qu'il me fut présenté: sympathie immédiate. Pourtant, Patrick est "Onfrayphile" tandis que moi je n'estime pas plus Michel Onfray que BHL ou Lacan, tout en lui reconnaissant une belle intelligence et un verbe facile et précis. 

 

Dominique et moi nous sommes rencontrés pas plus tard que vendredi dernier, mais guère plus tôt non plus. Cette souriante vivandière est, elle, la meuf à Patrick. Et c'est une Brusselès, comme moi. Entre kîkefretters, on se comprend vite, d'autant qu'elle possède le goût de la cuisine savoureuse. 

 

Ah oui, Christine, elle est la meuf à l'auteur de ces lignes. Mais vous la connaissez déjà, et le chef aussi. Pas besoin de la présenter à nouveau. 

 

Vous savez mon aversion pour tout ce qui ressemble à la "critique gastronomique". Ces messieurs sont pour la plupart des fats, des profiteurs, des pique-assiettes et des incompétents, comme la majorité des "experts" en quelque chose. Quand on possède un savoir dans un sujet donné, on le met en pratique. On ne donne pas dans la critique, dans la contemplation

et dans l'évaluation. C'est un peu vrai, mais à un degré moindre, pour l'enseignement, et avec des nuances: si "enseigner" consiste à être un maître, un exemple, alors je suis d'accord. Si cela consiste à prêcher la bonne parole ex cathedra, je n'adhère pas du tout, au même titre que du Teflon tout neuf. 

 

Il faut pourtant que je vous explique pourquoi nous avons passé une excellente soirée tous ensemble, et par le menu.

 

Ce menu commence par l'ambiance. L'Auberge réussit souvent - hélas pas toujours - ce que le reste de l'arrière-pays catalan n'arrive malheureusement pas à faire: attirer du monde. Dans les Pyrénées Orientales, seule la côte profite de la bienveillance des investisseurs et des politiciens: le fric, la came, le snobisme, la presse, les interprofessionnelles concentrent tous leurs moyens entre le Barcares et Banyuls (mais pas jusqu'à Cerbère, complètement abandonnée elle aussi). Une petite exception est faite pour Perpignan, où le clientélisme de la famille Alduy et de ses successeurs arrive encore à tirer son épingle du jeu. Même la pauvre Cerdagne, si belle et finalement beaucoup plus accueillante que la plaine, est devenue une laissée pour compte. Forte de son étoile Michelin, qui n'a fait que couronner une qualité qui existe depuis 15 ans, la salle est quand même souvent bien remplie à Montner, alors que personne ne s'attarde d'ordinaire dans ce joli village à l'entrée du Fenouillèdes et des rives de l'Agly. Pourtant, il abritait jusqu'à l'année passée les bâtiments d'un des domaines viticoles les plus connus de notre département, où le couple Galet élaborait de très beaux vins. Donc, l'ambiance était chaude et réjouie en ce début de printemps qui tarde à s'installer. Outre Patrick, le maître d'hôtel et sommelier du lieu, c'est un extra expérimenté - que j'ai reconnu je crois - qui secondait Béatrice en salle. Eh oui, même un samedi de l'Ascension, c'est l'aide des proches qui assure le travail que l'on confiait jadis aux stagiaires des écoles. Ils acquéraient ainsi les bases de leur métier sous le regard et les conseils des anciens. Maintenant, les lois, les règlements et les interdits de toute sorte compliquent cet apprentissage. 

 

La tablée s'est mise d'accord à la quasi unanimité pour goûter aux asperges, dont c'est le point culminant de la saison. On nous les a servies en branche sur un blinis, avec une sauce qui tenait d'après moi un peu de la hollandaise et un peu de la béarnaise (estragon et pointe de vinaigre bien marquée).  Pourtant, la carte du jour parle d'un "beurre" et donc il n'y avait pas d'oeuf dans la recette. Très slurp, quoiqu'il en soit.

 

Après, j'ai profité de l'abandon de Christine à mi-chemin - pour cause de régime modéré - pour goûter au plat de viande, le xai délicieux avec une poêlée d'artichauts, après avoir fini ma sélection à moi: le Saint-Pierre dont  l'accommodement faisait la part belle au citron du Mas Bachès.

 

Cet agneau catalan, cuit à basse température, tendre et rosé, est un des fleurons de l'élevage dans le département. Il est de grande qualité. Toutefois, comme presque toutes les viandes d'appellation, il fait l'objet d'un monopole de fait, lié notamment à la prépondérance d'un abattoir presque exclusif aux mains d'un des personnages très influents de la région, qui possède des intérêts divers dans la chaîne agro-alimentaire et dans le milieu du rugby professionnel. Cela ne modifie en rien son côté savoureux, mais vous savez que votre Léon plaide pour une plus grande diversité des offres et n'aime guère les "puissants", nulle part et qui qu'ils soient. Ce n'est ni de l'envie, ni de la jalousie, mais le dégoût du clientélisme et de l'affairisme. Mais c'est ainsi que la société est organisée sur l'arc méditerranéen français, et je n'y changerai rien. Il aurait fallu que je m'installasse ailleurs, mais j'y aurais peut-être rencontré la même chose.

 

Et puis: le dessert, point délicat pour un diabétique qui accepte très souvent des entorses au régime. Nous avons eu droit à une variété de fraises que je ne connaissais pas: les "mariguettes", après les charlottes, les ciflorettes, les maras, les garriguettes ... et surtout le parfait aux olives noires confites et le pannacotta à la verveine. 

 

"Et ton ail, alors?", ajouteront les plus attentifs parmi vous.

Et bien oui, petite cerise AVANT le gâteau, Pierre-Louis Marin a eu la gentillesse de réaliser pour nous, en extra, cet entremets délicat: une tête d'ail moelleuse et tiède-à-chaude préparée au rancio sex, dont on sort les gousses en lui pressant la base de la tige. Ne riez pas à cette description, je suis sérieux cette fois. Et il l'a accompagnée de l'excellent rancio sec de nos amis Jacques et Mika Sire (Estagel). C'est à la fois délicieux, inattendu et très original. Merci, chef. 

 

Nos convives étaient tous des amoureux du vin, et le jus du Roussillon a coulé abondamment. Michel, un connaisseur averti s'il en est, s'est exclamé: "Je ne savais pas qu'il y avait autant de bons vins blancs dans les P.O.". Je l'ai exhorté à revenir plus souvent nous voir pour en faire la découverte approfondie.  

 

Merci au chef, à sa femme et à son équipe pour une soirée de convivialité gourmande très réussie.

Merci à mes amis Michel et Patrick, et à leurs compagnes, pour cette brève visite

qui m'a comblé de joie (a répéter aussi vite que possible).

Et grand merci à Patrick de cette invitation généreuse: j'aurais eu l'air con, moi, avec mon barbecue.

Mais on sait, depuis longtemps, que j'en suis un VRAI; tout le monde le dit.

 

 

 

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