UN TRAMWAY NOMME PLAISIR

 

 

 

 

 

Deux lumineux objets de mon désir

 

 

 

 

 

 

 

 

Mon esprit d'escalier, rappelé avec amusement par certains, honni par tant d'autres, a encore frappé. Du coup, j'en avais presque oublié de vous offrir la clé qui ouvre l'apparente absence de logique de mon entame. C'est Blanche DuBois qui affirmait: "I've always depended on the kindness of strangers", dans le fil comme chez Tennessee. Moi, de même, je dors grâce à la bienveillance de mes amis.

 

Alors que je suis tout sauf un cinéphile, et encore moins un érudit de cette branche du marketing qu'on appelle pompeusement septième "art", et mon titre et mon sous-titre lui rendent hommage. En même temps, et Kazan et Bunuel méritent sans doute de sortir du commun des "cinéastes".

 

Mes deux objets me fournissent ensemble le sujet de cette chronique. Voyez plutôt.

Lorsque je séjourne en Belgique, afin de promouvoir la bonne parole majolienne auprès des  peuplades belgiques et afin aussi d'entrapercevoir furtivement ma fille cadette et unique ainsi que mon fils cadet, ce sont évidemment les amis qui m'hébergent, quand ce n'est pas la mère (unique aussi) de mes deux fils. Autant la longue période qui précéda notre mariage fut agréable pour nous deux, autant la courte durée de celui-ci ne fut pas précisément un succès, autant la période "post" nous a encore réunis en amis. Je la remercie d'avoir mis entre prenthèses les griefs qu'elle me portait, partiellement à juste titre, et je la remercie plus encore de me servir de "kot-madam'".

 

Pour les autres, je vous en livre une liste non-exhaustive: le "Monsieur Infectiologie" de la télévision belge me loge luxueusement près du bois de Meerdael, au risque pour moi d'assister à la collision catastrophique des rames de la SNCB ou de rencontrer en chemin quelque furie hystérique surgie de son passé. Des commerciaux-banquiers véreux férus de bonne musique, de gastronomie et de culture italienne m'accueillent du côté du centre douanier de Luxembourg, mais un peu à l'écart des tumultes de la ville. Le Marc de ce blog me loge près du champ de bataille de Waterloo, berçant mon sommeil de l'évocation de sa sculpturale compagne blonde déambulant nue dans la maison. Mais je ne mélange jamais érotisme onirique et amitié matérielle.

Mon ami anversois, "le beau Tyl" comme disent les femmes - qu'est-ce qu'il a de plus que moi ? - m'offre le gîte et le couvert dans un havre paysager au centre de Mortsel. Et les cabinets de toilette en marbre de Carrare, aux poignées de porte en or, ajoutent encore à l'honneur qu'il me fait. Je précise que cet ami au goût exquis n'a fait que conserver avec humour cet équipement un rien clinquant, installé par le propriétaire précédent, un Hollandais je suppose. Le Michel de ce blog, lui, me prend rarement chez lui: les 18 chambres de son château-maison, abandonnées par ses hordes d'enfants et de petits-enfants, sont bourrées des magazines, papiers d'affaires, catalogues et archives en tout genre qu'il n'a pas encore eu le loisir de ranger. En contrepartie, aux moments les plus financièrement difficiles de l'existence de mon petit domaine, il m'a généreusement offert une chambre dans un des établissements les plus somptueux de sa région., ou j'avais à faire. Herman, le conseiller préféré d'une de nos anciennes ministres de la Santé Publique, à qui il a évité de commettre encore plus d'injustices car c'est un homme épris d'équité, m'a aussi fait dormir douillettement à un jet d'oreiller de son potager, où ce scientifique de haut vol cultive des poireaux de toute première qualité.

 

Et puis, il y a ma famille: mon ex-femme donc, je l'ai déjà citée. Et ensuite ma mère ... à la mer justement. Là, je dors dans la chambre où elle fut mise au monde en août 1930 par un accoucheur qui n'était autre que le très humain docteur Barbier, de Furnes. Il fut un proche de James Ensor, du fils Permeke (Constant) et puis de Paul Delvaux. Vous voyez d'ici le tableau! J'ai d'ailleurs, grâce à sa famille, rencontré ce dernier en train de faire un croquis sur le plâtre jambier d'un de ses petits fils, après une chute à mobylette. Fabrice Barbier, gastro-entérologue à la Rijksuniversiteit Gent et Marnix Barbier, chef du service de pédiatrie à l'hôpital d'Ixelles, tous deux défunts, étaient ses enfants.

 

Et maintenant, mon frère m'offre aussi la garçonnière du quartier Charles-Quint à Bruxelles. Elle ne propose pas de bonne solution pour garer un véhicule chargé en toute sécurité, mais possède l'avantage de sa proximité avec l'un des centres terroristes les plus actifs au monde: la congrégation proche de l'Opus Dei qui infeste en permanence la Couquelique de Baselberg.

Je pourrai en permanence y trouver pardon à mes nombreux péchés et me catéchiser auprès des porteurs de cilice et autres pédophiles patentés. Peut-être y croiserai-je même Flupke ou Mathilde?

 

Toute cette introduction pour vous présenter ma dernière acquisition en terme d'hébergement: Patrick me file aimablement les clés de sa maison de famille, située au calme sur les hauteurs de Visé, dominant la Meuse , avec vue sur presque toute la Lotharingie, de Maastricht à Aachen en passant par Molenbeek et Tamanrasset, communes jumelées pour l'éternité. J'y avais oublié il y a une bonne paire d'années mon petit pilulier de paquotille, mais auquel je suis attaché. Il m'a été restitué ce week-end, à mon grand bonheur. Du coup, nous avons grillé deux Partagas ensemble, un peu pour emmerder de manière taquine

mes autres invités, que l'odeur de cigare insupporte, à juste titre. Patrick est un connaisseur, il a abandonné la vitole à mi-chemin, comme il se doit. Moi, je grille le tabac jusqu'au dernier centimètre, et pas seulement par avarice: j'apprécie le côté terreux et brûlant de la fin du module. 

 

Hier donc, car j'avais remisé son mégot refroidi dans une boîte étanche, j'ai entrepris de rallumer le D N°4 et l'ai terminé avec délectation en écoutant les deux derniers opera (pluriel d'opus, ne confondons pas) de David Bowie: The Next Day et Black Star.

 

Merci Patrick de ton hospitalité, et aussi d'avoir pré-humecté le bout du cigare! 

 

 

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