LES PASSIONS HUMAINES : QUEL DRÔLE DE TRUC

Je les ai enfin vues !
Je les ai enfin vues !

 

 

 

 

 

Quand Jef Lambeaux

et Victor Horta

se rencontrent

et se détestent ...

 

 

 

 

 

 

 

 

Il y a deux endroits dans le quartier du Lambermont - appelé "de l'Europe" maintenant par les technocrates-profiteurs du Schumann - où j'aimais à aller prendre du bon temps pendant mon enfance: le Parc Léopold et son gardien surnommé "Cro-Magnon", et surtout la partie tournée vers le centre-ville du Parc du Cinquantenaire. On y risquait de se faire taxer son vélo par quelque petite crapule et peut-être même l'une ou l'autre rencontre avec un pédophile, mais on nous avait mis en garde. Dès que j'ai su rouler à vélo tout seul, j'ai eu le droit d'y aller ... quand les devoirs scolaires étaient finis, car ils constituaient la priorité absolue pour mes vieux, et le Sésame à toute chose. J'y ai usé pas mal de pneumatiques, j'y ai souvent volé par-dessus le guidon lors de freinages intempestifs, j'y ai aussi grillé les premières cigarettes en cachette.

 

Dans un coin se trouvait une petite tourelle, la Tour Beyaert, que j'affectionnais particulièrement, même si elle sentait l'urine et l'ammoniac. Pastiche néo-gothique bien dans la lignée du style "éclectique", elle était sensée représenter un élément de château médiéval avec mâchicoulis et échauguettes.

 

De l'autre côté de "l'avenue", car à l'époque tous ces tunnels n'existaient pas, il y avait déjà ce drôle de temple que je croyais "grec". Il était complètement désaffecté. A côté, on trouve un bâtiment de style arabisant datant du 19ème siècle, que Baudouin a légué à Fayçal d'Arabie en 1967 par un bail emphytéotique pour en faire la Grande Mosquée de Bruxelles et le centre du culte musulman en Belgique.

 

Le "drôle de temple" est en fait le Pavillon des Passions Humaines Horta-Lambeaux. il fut la première commande passée par l'état belge au jeune architecte gantois Victor Horta, qui deviendra un peu le Gaudi belge, toute proportion gardée. Construit entre 1891 et 1897, on le destine à abriter la fresque gigantesque que réalise le sculpteur anversois Lambeaux. 

 

Il n'a de "classique" que la première apparence. Horta a utilisé de nombreux "trucs" originaux, qui deviendront sa marque de fabrique, pour différencier déjà sa production. La guide de notre groupe de visiteurs en a fait une description détaillée et fascinante. Je ne peux que vous recommander de vous inscrire, car l'accès n'est pas libre. En fait, cette merveille a connu de nombreuses vicissitudes en un siècle d'existence et a été fermée la plupart du temps. Moi, je n'avais jamais pu y entrer! 

 

Lambeaux, lui, était déjà connu, notamment par sa statue de Brabo (1887) devant l'hôtel de ville d'Anvers. Mon but n'est pas de vous détailler la fresque, immense ( 8 m sur 12 m), composée de huits gros blocs de marbre blanc de Carrare. Vous pourrez en lire l'épopée ICI

 

Ce que notre guide expliqua, c'est surtout l'antipathie qui naquit très vite entre le sculpteur et le constructeur de l'écrin de son oeuvre. Horta ne voulait pas du mur derrière la colonnade, tandis que Lambeaux refusait qu'on pût voir la fresque du dehors! L'architecte ne construisit la cloison qui dissimule l'intérieur de la salle que ... bien après le décès de Lambeaux! 

 

Je suis arrivé pile-poil au début de la visite, pas facile de garer un pick-up dans ce quartier, et sous un petit crachin. On nous a accordé une grosse heure pour faire le tour du bâtiment et de son contenu, avec une employée du musée (un samedi!) qui connaissait magnifiquement son sujet et m'a passionné. A la fin, j'ai pu prendre quelques clichés rapides de l'oeuvre avec une salle vide. Mais je trouve que celui-ci rend bien l'atmosphère. La lumière éclaire la fresque par une ouverture du toit, naturellement.

 

Mon avis?

Après les explications, le travail de l'artiste devient compréhensible. Toutefois, l'émotion esthétique n'est pas totale: Rubens, Michel-Ange, Maillol n'ont rien à craindre. Leurs formes extrêmement rondes sont beaucoup plus sensuelles que celles de Jefke.

Dans toute forme d'art, même la plus alambiquée, j'aime à apprécier même sans les explications. La "Pastorale" vous transporte d'emblée, "Le Jardin des Délices" aussi. 

 

Mon ami Inada eut un petit sourire quand je lui rapportai ce qu'avait dit un des grands cuisiniers de notre pays, disciple de This, à un client qui n'avait pas totalement "accroché" à ses plats: "C'est parce que tu ne comprends pas ma cuisine". Eh bien, moi je ne comprends pas totalement "Les Passions Humaines", mais sa visite fut un moment d'intense plaisir. D'une part, j'attendais cela depuis 50 ans lorsque, ketje, je faisais des boucles cyclistes autour du bâtiment. D'autre part, la guide a réellement apporté une valeur ajoutée énorme à mon passage. Et enfin, c'est tout un pan de l'histoire qui est ainsi revisité. 

 

Plus je vieillis - et je le fais abondamment depuis quelques mois - plus j'aime l'histoire.

Vive l'histoire. 

 

 

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