LE CHEF LE PLUS "CLEAN" DE BRUXELLES, OUI, MAIS AUSSI UN TYPE BIEN

Le très honorable Inada-san en couverture
Le très honorable Inada-san en couverture

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'image fait grand plaisir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une affirmation comme: "le meilleur chef de BXL", ou encore "la meilleure toque japonaise en Europe" ne veut évidemment rien dire. C'est quoi, "le meilleur"? 

 

Je ne lis pas de magazine, et je ne lis à plus forte raison pas Le Vif alors que j'habite à 1300 km du Brabant. Mais, en feuilletant le sommaire, j'ai pu découvrir - en substance - cette affirmation: "Le grand public ne le connaît pas mais il est très estimé par ses pairs". Voilà un journaliste qui connaît son métier et le milieu de la gastronomie en Belgique.

 

C'est Manuel da Motta Veiga qui m'a fait rencontrer le pittoresque Christopher, à la fin des années '80. Ils sont venus manger chez moi après une dégustation. A peu près au même moment, ce propriétaire du restaurant à la Chapelle déposait le bilan de son établissement très coté:  "Chez Christopher". Son chef, qui lui avait fait remporter une étoile Michelin, c'était Saburo Inada. Moi, je ne le connaissais pas du tout. Je ne sortais quasiment jamais dans Bruxelles, à l'époque. 

 

Par contre, les lecteurs de mon blog ont appris le décès de mon ami Xavier Vanderghinst, il y a environ 2 mois à présent. Il est parti d'une hémorragie cérébrale. C'est avec Xavier, grâce à lui, à cause de lui, si j'ai rencontré "Monsieur Inada". Début 1990, j'avais été engagé au département médical d'une firme pharmaceutique célèbre, que je sais à présent être une des plus "tordues", mais elles le sont toutes dans une large mesure. Les bureaux étaient situés dans le quartier Louise. Une des collaboratrices de la branche dont je m'occupais avait été une "erreur de casting". Cette jeune femme intelligente, élégante et travailleuse, ne possédait par contre ni le bagage, ni la personnalité pour le job qu'on lui avait assigné. Je m'en suis ouvert à qui de droit, appelons-le "Bert", et il m'a répondu: "Ah, je suis exactement de ton avis mais tu es la seule personne qui sois venu m'en parler". Et un mois plus tard, Xavier a été engagé à sa place. Il n'était pas une jeune femme élégante mais avait exactement la personnalité qui convenait et nous avons fait du bon boulot ensemble. Nous sommes aussi devenus amis et il a quitté la boîte ... quelques mois avant moi. Je n'ai plus jamais été salarié depuis.

 

Or, à midi, nos gourmandises ne se satisfaisaient pas des sandwicheries locales, ni des "restaurants" de cuisine bourgeoiso-banale. Et une petite vitrine, au coin de la place Loix, affichait un "Lunch 3 services" à 380 FB (moins de 10 euros, à l'époque). Après trois ou quatre repas - l'addition se trouvait améliorée par les quilles que nous descendions ensemble - nous avons saisi que cette foutue adresse-là était une des meilleures tables de toute la ville de Bruxelles. Et à l'époque, pour raisons professionnelles, nous écumions tous les bons restaurants. Ainsi a commencé, en 1991, la relation avec Saburo Inada, qui est devenue une amitié au fil du temps. Je prétends très clairement, et depuis longtemps, que c'est POUR MOI, la "meilleure table" de Bruxelles: c'est celle où, personnellement, je préfère aller manger.

 

A côté de cela, chaque fois que vous parlez d'Inada à un chef de cuisine, vous remarquez effectivement un grand respect, et jamais une seule critique, aucune jalousie. Par contre, certains fournisseurs ont "des problèmes" avec lui. Et ce n'est pas du tout pour des retards de paiement, si fréquents dans le métier. Non, c'est parce qu'il refuse certaines livraisons: il est intransigeant sur la qualité des approvisionements et très sélectif dans ses choix. De même, les marchands de vin n'arrivent pas à le "fidéliser", c'est-à-dire à lui faire acheter ce qu'eux ont à vendre à ce moment-là. Enfin, certains "journalistes spécialisés" - des pique-assiettes pour la plupart sinon tous - tirent la moue, du genre: "Ouais, c'est bon mais ...". On ne leur déroule pas le tapis rouge et on leur présente l'addition. Ils sont toutefois très bien traités ... comme tous les clients du restaurant Inada. 

 

Mon ami Xavier est mort de mort acidentelle, médicale, cérébro-vasculaire. J'allais dire "comme un con" et il aimerait mon cynisme (Salut, Xav' !). Mais il a connu une période de sa vie, ce n'est un secret pour personne et il n'y a aucune impudeur à le signaler en passant, où il songeait à mettre fin lui-même à ses jours. Nous sommes nombreux à avoir connu des phases très dépressives dans un monde qui n'est fait que pour des gens insensibles: ceux qui veulent posséder plutôt que d'être.

Dans ces moments-là, Xavier a compté (avec des abus de sa part parfois), sur un petit nombre de membres proches de sa famille et sur un nombre tout aussi petit de vrais amis. C'est à cela que ça sert, des amis: vous sortir de la merde. Ceux avec qui on va faire la bringue et s'amuser, c'est bien aussi, mais ce sont des copains. Et il en avait beaucoup.

 

Parmi ces amis, il y en a UN qui a fait plus que tous les autres, dans la discrétion, presque en cachette: c'est notre cuisinier. Et il n'attendait rien en retour, en échange. 

 

Merci, Saburo! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Write a comment

Comments: 0