KILEMBE: ENTRE LE CUIVRE DU SHABA ET LE GRENAT DU CANIGOU

Davy Kilembé avec Eric et Guillaume (sidemen)  -  photo: M-C Civale-Hardouin
Davy Kilembé avec Eric et Guillaume (sidemen) - photo: M-C Civale-Hardouin

 

 

 

 

 

Deux sets de qualité,

adossé au Centre

d'Art Contemporain

 

 

 

 

 

 

 

 

Programme d'hier soir: 1) livraison chez notre compatriote Xavier Mahaux, devenu commis de cuisine

2) petit tour sur la marina d'Argelès pour prendre l'air et s'enfiler une galette de sarasin au Brocéliande

3) passage parmi les attractions du "Jeudi de Perpignan"

 

L'arrivée sur Perpi nous permit de tenter une approche par tous les points cardinaux, barrés au choix par la police municipale et ses petites armes de poing, la gendarmerie nationale et ses gros calibres, l'armée française et ses armes automatiques. Ce n'était pas le catwalk de Chanel, mais j'ai pu admirer tous les modèles de gilet pare-balles existant. A dire vrai, je ne pense pas que l'efficacité de ce déploiement serait grande si une fusillade éclatait, mais par contre le "filtre" ainsi créé empêche toute circulation de véhicules sur le centre ville où sont dressés les podiums. Dommage collatéral, les camions de la voirie ont dû attendre plus d'une heure pour commencer leur tournée (elle se fait en pleine nuit dans le centre) de ramassage des ordures.

Ils avaient été oubliés dans le dispositif mis en place et les pauvres éboueurs pestaient un peu, mais avec bonhommie et résignation. Sympas aussi, ces employés. 

 

Ensuite, la présence des troupes ne facilite sûrement pas la pénétration de groupuscules constitués. Si Séchan le fourbe accepte à présent "d'embrasser un flic", moi j'ai failli filer un patin à un plouc. En effet, les soldats faisaient copain-copain avec la population, tout sourire dehors, et cela me va bien. Le nombre de volontaires noirs est d'ailleurs surprenant, plus d'un soldat sur deux: je crois que l'équipe de France de foot sélectionne surtout des militaires! J'avais jeté mon dévolu sur un sergent très basané, grand et se tenant droit. Hélas, il m'a indiqué aimablement qu'il préférait les femmes. La grande muette change, c'est sûr! 

 

Revenons-en au spectacle. Nous étions partis au petit bonheur la chance, sans nous enquérir des programmes. On a eu droit à un quintet américano-français qui jouait du rag, du blues et d'autres tunes du Tennessee: guitare folk décorée, deux banjos, poubelle-contrebasse et washboard. On a ensuite apprécié un rasta local et sa formation de reggae. Christine était fort sensible à tous les accessoires pendant le long du séduisant chanteur-guitariste: bandoulière de la guitare,  collier, dread-locks ....

 

Elle s'est aussi émerveillée devant la troupe de danseurs polynésiens: leur haka l'a emballée. "Tu as vu comme ils sont

bien ... musclés ?", s'est-elle enquise. Oui, ils étaient bien musclés. Par contre, leurs partenaires féminines appartenaient sans doute à l'une des tribus de ce coin du monde qui sont génétiquement diabétiques et ne suivaient pas trop le régime recommandé. "Tu as vu comme elles sont rondelettes?", que moi je lui ai fait. Oui, elles étaient fort rondelettes.

 

En partant, nous avons admiré le feu d'artifice bref mais très esthétique devant le Castillet, le salut final des géants articulés et de la section de cuivres qui les accompagnait. Entretemps, nous avions eu droit à toutes sortes de batteleurs-musiciens-artistes de rue aussi.

 

"Mais âh-tends, âh-tends, tu vas te mâh-wrer", j'oublie le meilleur. Arrivés au coin de la rue du Maréchal Foch, derrière le bâtiment (ancien conservatoire) qui abrite le Centre d'Art Contemporain, à deux pas du joaillier Laviose qui élabore de si beaux bijoux en grenat, nous tombons sur une scène où se produit un trio (+ mini-percussionniste) au son harmonieux. Non, mais je rêve, c'est bien lui: Davy Kilembé! 

 

Nous avions "découvert" cet adorable troubadour il y a bien 5 ou 6 ans, sur une estrade dans le Couvent des Dominicains, où il présentait, presque en acoustique (peut-être même tout à fait en acoustique pour les instruments), les chansons de ce qui allait devenir son album "Citoyen", hommage déjà à l'univers Gainsbarre . Autant la Birkin, ses jérémiades et son combat faux-cul pour ses "frères" (tu parles!) intermittents du spectacle me gonfle, autant vous dire que Serge Gainsbourg me manque.

 

Nous avions ré-écouté sa musique en "live" quelque part dans le département et je me régale régulièrement de la compilation très personnelle qu'il a enregistrée sur des "covers" de Brassens. Enfin, nous avions vu la digne Madame Gréco lui remettre un prix de la Sacem - moins mon truc, ces organisations commerciales et corporatistes, mais il faut bien que les artistes vivent - lors du festival estival de Narbonne, deux ou trois années en arrière.

 

Kilembé est le fruit (mûr à présent, 1974) de l'union d'une Espagnole et d'un Zaïrois, redevenu congolais maintenant que d'autres tyrans que Mobutu gèrent son pays pour le compte des exploiteurs chinois qui ont remplacé les Belges (et les Français et les Amerloques). Il a ainsi vécu entre Lubum et Perpi, y puisant sa générosité pluri-culturelle, ses inspirations et ses sources. Il évoque Brown, Marley, Gainsbourg, Brassens et Nougaro. Je m'y retrouve pas mal. 

 

Lubumbashi, l'ancienne Elisabethville de l'Union Minière, de la Société Générale de Belgique et du royaume de la maison des Saalfeld, est la capitale du Katanga (Shaba) et un des centres producteurs de cuivre et de cobalt les plus importants au monde. C'est là que les sbires de Tshombé ont "accueilli" le pauvre Patrice Lumumba et ses compagnons Okito et Mpolo avant de les exécuter un peu plus loin sur ordre du palais de Laeken avec, comme agent de liaison entre BXL et la province des Lubas, celui qui allait devenir des années plus tard commissaire européen et porte le titre de vicomte, Etienne Davignon. Cela se passait même pas quinze ans avant la naissance du chanteur.

 

A Perpi(gnan), ce "Centre del Mon" pour Salvator Dali mais en fait un petit bled perdu aux marches de la république française jacobine, centralisatrice et constamment de droite (même quand un parti prétendument progressiste est au pouvoir), Kilembé suit volontiers les cours du conservatoire, mais pas trop les autres. Il devient en fait pluri-instrumentiste (percussion, basse, guitares ...) et sera l'élève de Serge Lazarevitch. Cet excellent guitariste de jazz de renommée mondiale, très didactique, a effectivement tenu un poste ici, après avoir été également professeur au conservatoire de Mons (je crois). Il se produisait beaucoup en Belgique pendant cette période.

 

Davy a présenté deux sets denses, pleins et teintés d'humour, jusqu'à la limite de l'horaire autorisé:  un grand bonheur fait de qualité musicale, de présence sur scène et de gentillesse. Moi, les artistes comme cela, j'aimerais qu'il y en ait à tous les coins de rue. Hélas, ce sont Aznavour et Hallyday qui empochent les subsides distribués par les successeurs de Jack Lang. De son temps au moins, Manu Tchao partait avec une partie de la mise.

 

Mentionnons aussi ... Aaron, le jeune fils du batteur,

qui a tenu le tambourin pendant une partie du spectacle.

Il ne le fait pas moins bien que Mick Jagger ...

mais il a une plus petite bouche. 

 

 

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