DEUX LUC, DONT L'UN EST BIZARD

Le triolisme, une habitude bien française ...
Le triolisme, une habitude bien française ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Entre Epiré et les Charlier,

une longue connivence ... 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous buvions du Savennières (ou de la Roche aux Moines) à ma table depuis longtemps: la "Coulée" du temps où c'est la maman qui nous recevait, les vins de Pierre et Yves Soulez, ceux (sur le sable) de l'adorable M. Roussier, ceux d'une famille à particule et ceux de la distinguée Mme Laroche et, bien entendu, du Château d'Epiré. Parmi les classiques d'antan, un seul ne me convenait pas, sans doute à cause de l'habitude de lui laisser faire la fermentation malo-lactique. Je pensais me souvenir qu'il s'agissait de Suronde mais ce domaine n'élabore pas de Savennières. C'était peut-être Baumard, alors.

 

Je pense avoir commencé mon idylle épiréale avec le millésime 1976, on fait bien pire.

Et puis est venue notre période "Amis du Vin". Je crois que c'est Michel Ingels qui avait ces contacts-là. On en a rentrés, des 1985, 1988, 1989 et 1990, en sec, en "spéciale", en moelleux! Je pense aussi qu'il existait une cuvée portant un patronyme ou un "chevalier de quelque chose", à moins que ce ne fût pour le Chamboureau; je ne me souviens plus bien. Que voulez-vous, soixante ans bientôt, dont 55 passés à déguster et à boire du vin! 

 

Ensuite, au printemps 93 (ou pas loin), nous avons loué une petite péniche à fond plat sur la Mayenne et la Sarthe, en rendant visite à Mme Noëlle Courboin au moment de quitter notre amarrage, du côté de Chenillé-Changé où elle passait sa retraite au bord de l'eau. Cette ancienne responsable du marketing chez Bristol-Meyers - l'ennemi juré de mon ancien patron - avait toujours eu une relation très cordiale et franche avec moi.

 

Un matin, ayant planté notre piquet sous les remparts de l'abbaye de Solesmes, ce sont les accents austères du chant grégorien qui nous ont réveillés: magique. Pas d'accords mineurs chez les moines: trop érotiques. En avant donc pour le cri des hérons afin de saluer nos érections du matin! 

 

De temps à autre, nous quittions la voie fluviale pour rejoindre - littéralement - le plancher des vaches. C'est ainsi que Claude Papin nous a retrouvés chez M et Mme Roussier pour nous piloter sur les bords de la Loire durant toute une après-midi fascinante. C'est ainsi aussi que nous avons pris le dîner au "Pavillon Le Quéré", où feu mon père s'était régalé. Hélas, cette soirée angevine fut un peu gâchée par la présence parmi les clients du pâtissier Gaston Lenôtre et sa clique. Ce (bon) traiteur était d'une morgue peu commune, et le service en fut perturbé pour les autres tables, tant il avait d'exigences. C'est en plus lui qui a fait arracher la vigne centenaire de M. Doucet, à la Guimonière, quelques années plus tard. Je ne le lui pardonnerai jamais. 

Les petits coqs à la française, c'est au pot que je les préfère, avec un bouquet garni et beaucoup de légumes bein frais.

 

Et c'est ainsi aussi que Luc Bizard nous a aimablement accueillis, devant l'église transformée en chai à barriques. Je possède encore pas mal de photos de mes fils au milieu des tonneaux, la lumière des néons donnant des teintes ... bizarres aux clichés en argentique. 

 

Peu avant l'été, j'ai ressorti un "vieux" Savennières, car je les aime bien sûr jeunes sur leurs arômes d'acacia et de fleurs blanches, mais aussi très évolués, quand l'oxygène a commencé à faire son travail de sape. Ceci prenait pas mal de temps jadis sur le chenin, car on le sulfitait "généreusement". Je rêve à présent de capsules à vis généralisées. Cela viendra doucement, quand le capitalisme du lobby bouchonnier sera à court d'arguments et de pots de vin. En France, c'est plus lent qu'ailleurs.

 

J'en ai profité pour reprendre contact avec le Château d'Epiré, expliquer ma nouvelle situation et ... envoyer quelques échantillons de ce que, modestement, j'élabore ici. Je n'ose jamais solliciter ce procédé, car ma réputation est rarement à la hauteur de celle des vins que j'aime, mais Luc Bizard a eu la délicatesse de "m'échanger" ces vils flacons contre une série des beaux Savennières que lui élabore. 

 

Depuis lors, j'ai "liquidé" ma dernière cuvée spéciale 1989, tout à fait vivante encore et hésitant entre la cire d'abeille un peu poussiéreuse (comme les rieslings évolués) et le côté champignonneux qu'on retrouve à Montlouis. Et j'ai dégusté avec délectation son 1997, rond, plein, au sommet de sa forme. Enfin, la semaine passée, c'est le 2014 du château que j'ai ouvert, sur sa jeunesse vive et aromatique.

 

Savennières doit couvrir 150 ha de vignes de chenin, par là (plus un peu de cabernet*). Il y a donc peu de vin à vendre. Moi, j'en suis friand. Si en plus l'oenologie moderne se décide à cautionner des sulfitages légers, voire nuls à part au pressoir, et des mises très propres (filtration soigneuse mais sans excès) avec un bouchage hermétique, qu'est-ce qu'on va se régaler! 

 

Merci à Luc Bizard de son envoi.

Merci à cette appellation angevine de rester à l'abri de la mode du vin passe-partout,

grassouillet et légèrement doux (4-5 gr/l de sucre résiduel et pervers) qui sévit partout.

 

 

PS: * Le rouge du domaine, "La Cerisaie", est d'ailleurs très bon. J'ai eu plusieurs cartons de celui de 1990, ainsi que ceux du Clos de Coulaine, à l'époque. 

 

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