DAVID COBBOLD, INATTENDU DE SA PART

Cliché pris quelque part dans le territoire de Guyenne, le 19 août 2011
Cliché pris quelque part dans le territoire de Guyenne, le 19 août 2011

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

David Cobbold, 

homme-orchestre du vin, 

a publié ce matin 

un article de blog 

hors du commun.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je suis surpris au-delà de toute mesure. 

 

Nous allons essayer de commenter ensemble ce que je considère comme un mini-événement. David a commis l'irréparable, il a écrit une critique comme jamais je n'avais osé le faire moi-même. Disons-le tout net, je suis en admiration. 

 

Il est incontestablement un "homme-orchestre" dans le vin et ce Tambourine man a cette fois réellement "joué un air pour nous"! David a tout fait dans le monde du vin, sauf être réellement un producteur à part entière, même s'il a contribué de très près à l'élaboration de cuvées, notamment dans le Nouveau Monde. Il a été un collaborateur de la cave de Steven Spurrier à la Madeleine. Il a été un homme de relations publiques pour une grande maison de Champagne. Il a donné des séminaires. Il a écrit des tonnes d'articles. Il publie des nombreux billets de blog. J'oublie certainement d'autres contributions venant de lui mais ceci à pour seul but de vous prouver à quel point il connaît les codes, les convenances. Et David est britannique et, partant, un adepte du discret, du cool-calm-collected et du - presque - politiquement correct.

 

Il est un hôte exceptionnel. J'en ai été le témoin et bénéficiaire privilégié en deux occasions. Ma photo d'illustration montre Christine dans la position du communiant attendant la sainte hostie, un soir du mois d'août en terre aquitaine, où les Anglais sont chez eux depuis toujours. Et on communie chez lui sous toutes les espèces.

 

Pourtant, si notre approche du vin est assez similaire, nous n'avons pas forcément les mêmes goûts. De même, nous aimons tous deux les bonnes choses dans la vie, mais sommes très différents en ce qui concerne la manière de concevoir le monde, les relations entre les gens et, surtout la politique. David s'intègre parfaitement dans la civilisation occidentale, s'y trouve à l'aise et sait se faire aimer. Il apprécie le succès, voit d'un bon oeil l'enrichissement des indidividus ou des sociétés qui connaissent la réussite commerciale et, en gros, serait selon mes critères le prototype du libéral dans le sens anglo-saxon du terme. Il est d'une certaine manière la copie conforme de mes parents sur ce plan.

 

De temps à autre, car je conserve avec lui mon franc-parler, même sur les sujets qui nous séparent, je sais que je l'irrite un peu. J'avoue un mal-être flagrant par rapport au monde dans lequel j'évolue et, surtout, une défiance absolue envers les gens qui "réussissent" au sens où on l'entend d'habitude. Oh, nulle jalousie de ma part, simplement la certitude que la fortune (financière) ne peut se créer qu'au départ de malversations d'une part (légères ou appuyées, peu importe) et surtout de l'exploitation de l'autre (les salariés ou collaborateurs pour faire simple) d'autre part. Hollande a fait cette déclaration, mais qui chez lui était une rouerie, une roublardise, une tromperie: "Je n'aime pas les riches". Chez moi, c'est vrai. Après, il faut s'entendre sur le terme de "riche". Ce n'est pas le sujet du jour.

 

Voilà, le préambule était nécessaire.

 

Une deuxième mise au point concerne le domaine Muré, un géant de l'Alsace. J'ai rencontré monsieur Muré père - prénommé René je crois et qui est en fait un mathématicien de haut vol - dans les années '80, sur la recommandation de son importateur belge. Vous voyez que je ne refuse pas totalement les convenances et les introductions. Un drame avait sévèrement touché la famille, suite à un accident sur la route nationale qui longe le vignoble. Je ne me souviens plus des détails mais les circonstances avaient été d'une grande tristesse.  J'avais néanmoins été reçu avec un professionalisme et un soin magnifiques. A l'époque, cette maison laissait faire la fermentation malo-lactique à un grand nombre de cuvées, y compris pour le riesling. Ce n'est pas forcément l'option que moi je choisirais car, si elle rend les vins plus aimables d'emblée, elle les rend aussi un peu "soft" et de moins bonne garde. Enfin, c'est juste mon avis et il ne s'applique qu'à ce type de vins. Mon blanc à moi "fait la malo" aussi, notez bien. Le vignoble des Muré est grand, comporte des parcelles sur presque toutes les bonnes zones de son finage, autour de Rouffach, et notamment le grand cru Vorbourg. On vise ici clairement la qualité, d'année en année, et ce depuis longtemps. Même le pinot noir sait y être excellent, c'est vous dire. Enfin, toute la famille jouit d'une réputation générale d'honorabilité, de gentillesse, de savoir-vivre. 

 

Et patatra, l'échantillonnage envoyé aux journalistes et à ceux qui comptent est éreinté par notre David.

 

On balayera d'un revers de main les considérations du type: est-ce qu'il a une querelle à vider, est-ce qu'il veut ici se dédouaner, était-il de mauvaise humeur etc ... ? Ce n'est pas le genre de David Cobbold. Il est au-dessus de ça.

 

Le problème essentiel est le suivant: faut-il publier des opinions - il ne dit pas qu'il est infaillible -, des impressions de dégustation, lorsqu'elle sont défavorables? Voilà un beau sujet d'examen pour des journalistes, amateurs ou professionnels, et pour tout qui émet des opinions en public.

 

Du temps où je collaborais (abondamment) au magazine In Vino Veritas, il m'arrivait d'être plus sévère pour telle ou telle bouteille, tel ou tel domaine, mais jamais je n'ai consacré un papier entier à une déception de grande envergure. La rédaction ne l'aurait d'ailleurs pas accepté. Mon pire souvenir concerne le Clos de Vougeot (plus de 30 échantillons dégustés) mais la rédaction de l'article fut collégiale et tout le monde sait que la réputation de ce climat est surfaite, pour plein de raisons. Cela ne veut pas dire qu'il n'en existe pas un bon, exceptionnellement, par-ci, par-là. 

 

Maintenant que je suis blogueur par amusement, et ne prétends plus du tout au titre de chroniqueur, je ne décris plus que ce qui m'emballe réellement. Mais c'est un situation aisée, une position facile. Personne n'attend rien de moi, si ce n'est de signaler un petit coup de coeur à partager. Je ne suis pas un prescripteur.

 

Je vois trois risques à l'attitude de David:

. tomber en disgrâce auprès du producteur en question et, plus largement, des autres ou même de la profession en entier

. recevoir beaucoup moins d'échantillons ou, pire encore, uniquement une sélection des tout meilleurs, de la "crème de la

  crème"

. nuire gravement à la réputation d'un domaine, et donc au travail d'autrui, alors que nous ne sommes pas infaillibles

 

Je vous laisse juge.

 

A titre personnel, David, je te tire mon chapeau. tu as pris une décison courageuse.

Il faudra maintenant que la prochaine occasion de parler du domaine Muré soit abordée de manière neutre et objective: avec des éloges mesurés si l'échantillonage plaît, pour éviter la "surcompensation", ou alors, catastrophe, avec d'autres critiques courageuses s'il n'est pas bon.

 

Pas facile ...

 

"Yes, to dance beneath the diamond sky

With one hand waving free

Silhouetted by the sea

Circled by the circus sands

With all memory and fate

Driven deep beneath the waves

Let me forget about today until tomorrow ..."

 

 

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Comments: 2
  • #1

    David Renand (Tuesday, 06 September 2016 09:49)

    Ce qu'a fait ce (pseudo)-journaliste mérite de tomber dans les poubelles de l'Histoire de l’œnologie. Ce genre de torchon va se répandre comme une trainée de poudre et porter atteinte à la réputation du domaine car une majorité de consommateurs se basent sur les notes/commentaires trouvés sur internet. De plus il y a énormément de mauvaise foi dans les commentaires de dégustation comme le fait que le pinot gris possède indéniablement une belle structure qui le mènera loin et son analyse du crémant dégusté hier me fait penser que cette personne avait un bon rhume le jour de sa dégustation. J'espère que le domaine, tout comme d'autres, vont boycotter cet individu. Le Brexit est finalement une bonne chose et si Monsieur n'aime pas les vins francais qu'il aille boire l'arsenic produit outre-manche.
    Cordialement.

  • #2

    Luc Charlier (Tuesday, 06 September 2016 10:26)

    Monsieur Renand, merci de cet avis argumenté. Vous avez compris que je me suis longtemps interrogé moi-même sur la possibilité de publier sereinement des avis négatifs comme l'a fait David Cobbold. Du temps où j'avais encore une plume (et une certaine crédibilité en Belgique, tant francophone que flamande), je n'en ai pas eu l'occasion ou le courage. Vous en décrivez assez bien les raisons, même si vos termes sont virulents. Par contre, vous faites de faux procès à M. Cobbold qui est un Européen convaincu et un amoureux de la France (plus que moi alors que j'y suis à présent producteur et donc peu suspect de "négativisme" à l'égard de votre hexagone ). Je pense que les avis négatifs sont au moins aussi intéressants que les louanges sans fin qui sont la coutume de la part des chroniqueurs "autorisés". Mais votre point de vue se défend, je vous le concède facilement. Je crois que beaucoup de gens pensent comme vous. Mon humble avis est qu'ils n'ont pas raison. Merci de cet échange constructif.