MON SATURNIN A MOI

Le marché du mardi
Le marché du mardi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Entre monts du Vaucluse

et Grand Luberon:

le village de Saint-Saturnin d'Apt

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C'est le pape Fabien qui envoya le bon saint évangéliser la Gaule. Chemin faisant, il ne rencontra pas son copain Honoré mais bien Honest, du côté de Nîmes. Ils firent route ensemble jusqu'à Pampelune où ils se joignirent à Firmin. Celui-ci ne devint pas leur chauffeur mais fut élevé plus tard à la sainteté, comme ses potes. Honest fut martyrisé et Saturnin revint s'établir à Toulouse, où on l'appelle Sernin depuis lors.

 

C'est en quittant un mien ami (voir plus bas) que j'ai visité le pittoresque marché du mardi matin. On y trouve un peu de tout, même en ce début d'arrière-saison, mais il s'agit principalement de revendeurs: les producteurs commercialisant en direct sont remarquablement absents et les prix - provençaux - s'en ressentent. A noter un étale de produits dérivés du porc noir ibérique très bien approvisionné et présenté avec savoir-faire; on en mangerait! 

 

C'est néanmoins plus bas, sur la route qui conduit à Apt, que j'ai acheté de l'huile d'olive au moulin Jullien, une entreprise familiale qui triture là depuis 1919. Mon ami me l'avait recommandée et il n'a pas eu tort: issues toutes les deux d'aglandau, il en existe une variété "traditionnelle", au fruité mûr, et une autre, de cueillette plus précoce, au fruité bien vert avec pas mal d'ardence. J'aime cela. C'est je pense mon voisin d'en face, le pittoresque et sympathiqe Gennaro de Benedittis, moulinier et grossiste en matériel de pressurage, qui les a équipés. Il y est connu comme un sou neuf, notre Rital de voisin. En Provence, le sou neuf est une variante du loup blanc, vous l'aurez compris. 

 

Que faisais-je là?

 

L'ami en question, un des principaux "michels" de ce blog, possède depuis quelques années une résidence secondaire sur les hauteurs du village. Sa femme et lui l'ont transformée en un véritable paradis terrestre et les enfants - suités des petits-enfants - du couple, plus une lithanie d'amis, prennent les lieux d'assaut durant tous les mois d'été. Michel, né dans une famille nombreuse, rappelle volontiers l'origine rurale de ses propes grands-parents et je pense que le clan renoue avec la tradition des grandes bâtisses fermières où toute la famille se retrouve aux beaux jours, en parfaite communion. Il ne faut surtout pas perturber cette harmonie et je lui rends donc plus volontiers visite en dehors de la "saison", d'autant que là, j'avais également une livraison à lui faire. C'est un connaisseur.

 

Il se fait que notre homme a charge d'enseignement à la faculté de médecine d'une grande université belge et que, même si la retraite se profile à l'horizon, il met un point d'honneur à vérifier son syllabus avant chaque année académique, pour le mettre ainsi à jour. Certains étudiants ont bien de la chance  - "O fortunatos studentes, si bona norint  etc ...", je disloque l'hexamètre - quand je pense aux souillons incompréhensibles que nos "bons maîtres" à nous avaient le culot de nous vendre, W. Geptz et R. Crockaert en tête. Et hop, on balance et on prend sa petite revanche sur leur manque de professionnalisme. Ce n'est pas la seule raison de mes mauvaises prestations dans leur branche, je l'admets bien volontiers, mais cet état de choses y a bien contribué. Et le voilà donc seul une semaine, Monsieur le Professeur, comme un saint ermite en retraite au fond du prieuré.

C'est bien mon Saturnin à moi! 

 

Victime d'un gros bouchon du côté de Béziers Mont-Blanc, plus d'une heure d'embouteillage, ce n'est que vers l'heure du dîner que mon arrivée a pu offrir aux chiens de son voisin le privilège de se manifester. Commençait alors une soirée en vis-à-vis qui me fit beaucoup de bien, au-delà de tout ce que Michel a pu percevoir. En effet, c'est Villard et son Condrieu qui m'ont accueilli tandis que le boeuf - nous sommes tous deux d'impénitents viandards - avait à peine commencé à griller (servi archi-bleu) que déjà la Côte Rôtie le remplaçait (Gerin, svp!). 

 

Cela s'est poursuivi jusqu'une heure du matin, car nous avions pas mal de choses à nous raconter. Vous savez, vous qui connaissez bien le domaine, que Christine et moi devons nous battre sur plusieurs fronts à la fois pour le moment, commercialement, viticulturellement et aussi dans le cadre de circonstances familiales. J'ai pu exposer, sans le bassinner pour autant, quelques aspects de mes incertitudes à Michel. Nous avons également échangé nos vues sur le monde actuel - sans chercher à le refaire - qui coïncident pour une large part. Bizarrement, son back-ground et le mien sont assez dissemblables, nos sources d'information passent par des canaux différents, mais notre ressenti est le même. Et nous n'envisageons pas un redressement prochain, ni une évolution qui aille dans le sens de notre morale, largement superposable. Il n'est pas certain que les braves gens aient pris le pouvoir, en Occident ou ailleurs. 

 

Mais laissons cela. Un petit croissant et de la confiote d'abricots maison plus tard, la mi-matinée me vit prendre la route, vers le marché hebdomadiare du village d'abord, puis vers Saint-Rémy où une crèmière m'a presque offert son sourire et deux jolis banons ensuite. J'ai gardé pour moi l'argent du beurre. Le Banon, ce chèvre obtenu par la méthode dite du "caillé doux", est devenu rare à cause de la sécheresse dans sa zone de production, et aussi en raison de la demande en progression croissante.

Le "caillé doux" consiste à emprésurer très tôt après la traite, sans laisser le temps au lait de s'acidifier, d'où "doux" (doudou, tout doux). Dès qu'il coagule, on le tranche grossièrement pour que le petit lait s'égoutte. Ensuite, il faut du Fingerspitzengefühl pour le surveiller, le mouler à la louche et l'emprisonner dans une feuille de châtaignier entourée de raphia, avant séchage. J'ai dit raphia, pas ratafia, même si parfois on l'affine à l'eau-de-vie de marc. 

 

Mon arrêt suivant aurait dû avoir lieu devant une boucherie taurine, en région nîmoise, pour les provisions destinées au repas du soir. Hélas, pas facile à trouver sans aide, ce genre de commerce. Notre pitance se transforma donc en ... osso-buco. Mais nous avons dû remplacer le flexible d'arrivée de gaz (péremption du tuyau au bout de dix ans) et j'ai des soucis d'alimentation en butane depuis lors. D'une part, à force de remplacer le détendeur et les raccords, j'ai un peu niqué le filet de la gazinière (!); d'autre part, le détendeur n'aime pas le vide occasionné par un tuyau de deux mètres, indispensable pour arriver à la bonbonne vu la disposition des lieux. Ce sera donc soit le four électrique, soit une seule petite plaque d'appoint en 220 volts pour les jours qui viennent. Pas d'osso-buco dans l'immédiat. Quelle horreur, on en revient aux affres des studios de sports d'hiver! 

 

Bref, un énorme merci pour ton sympathique accueil, Michel ... "Vallon que vaille"! 

 

 

 

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Comments: 2
  • #1

    Marc lux (Wednesday, 14 September 2016 22:35)

    Pourquoi regarder la carte des vins? Pour éviter les bouchons! (R Devos)

  • #2

    Luc Charlier (Thursday, 15 September 2016 08:00)

    Merci Marc. Enorme manieur de la langue française, ce Devos. D'aileurs il est né en Belgique, ça aide!