PRODUCTEUR, TU ES FOU

Chèvres et chevrettes se dirigent vers la lumière
Chèvres et chevrettes se dirigent vers la lumière

 

 

 

 

Et c'est pourtant nous

qui fournissons l'essentiel

du travail ! 

 

 

 

 

 

 

 

 

La réflexion d'aujourd'hui intervient dans une saute d'humeur un peu maussade et amère.

 

Mais elle s'est nourrie d'une série d'événements successifs, qui ont commencé par ma visite au bureau comptable au début du mois. J'ai réduit de manière importante cette année la mission confiée à mon cabinet comptable, dont j'étais pourtant très satisfait. Il me faut en effet comprimer les frais. Lisez: faire encore plus de choses moi-même. La collaboratrice qui suit mon dossier, une femme charmante, d'expérience et sympathique, qui a repris tout ce qui me concerne alors qu'elle ne faisait jusqu'à présent que le "social", m'a dit à la fin de l'entretien, dans un sourire narquois et compatissant à la fois: "Monsieur Charlier, il ne faut plus être producteur, à présent." Elle ne commentait pas uniquement ma situation, mais celle de plein d'autres clients agriculteurs ou éleveurs. Et je pense qu'on peut étendre cette remarque aux ferroniers, aux boulangers, aux bouchers, aux restaurateurs qui élaborent eux-même leurs plats etc ...

 

Et encore, certains de mes collègues ont, comme moi, choisi leur voie alors qu'ils auraient pu exercer une autre profession, ou alors même qu'ils en exercaient depuis longtemps effectivement une. Mais pour ceux qui ont simplement repris l'exploitation familiale, pour perpétuer l'activité, ce constat doit être encore plus amer.

 

Quelques anecdotes à présent qui documentent les soucis d'une manière inhabituelle, différente des préoccupations financières, des ennuis d'approvisionnement, des embrouilles en clientèle. 

 

Un abattoir du Sud-Ouest a manifestement connu la semaine dernière, ou celle d'avant, une série de "contretemps". On n'ignore pas que des organisations de défense des animaux, partie charitables, partie dotées d'un agenda secret selon moi, ont laissé filtrer des images illustrant ce que tout le monde sait: le traitement inacceptable que subissent parfois (pas constamment) les animaux de boucherie. Le résultat ne s'est pas fait attendre (mais il ne durera pas): contrôles accrus sur le secteur. En France, le contrôle commence d'abord par un surplus de documents (pas uniquement heureusement) et par l'entrée en vigueur d'anciennes règles existantes mais jamais mises réellement en application. En outre, les contrôleurs eux-même, soumis à un surcroît de travail et dès lors maussades, font de l'excès de zèle et exercent avec aggressivité. Immédiatement, cela retentit sur le personnel des abattoirs, qui en ont "plein les bras". Des témoins m'ont raconté la course folle des personnels, y compris des administratifs appelés à la rescousse pour des tâches ponctuelles auxquelles ils ne sont pas formés. Quant aux animaux, victimes des dysfonctionement de la chaîne normale, qui n'est déjà pas parfaite, il leur arrive toutes les mésaventures possibles. On les parque bien trop nombreux dans des enclos non prévus à cet effet, en attente, toutes variétés confondues: veaux, cochons, agneaux, porcelets, chevreaux .... la couvée du fabuliste, elle, je ne sais pas. Les "incidents de parcours" sont innombrables: saisies d'animaux pourtant réputés sains, cas innombrables de souillure, erreurs d'identification et même "libération" des carcasses après le sacrifice avec distribution à des clients qui n'en sont pas propriétaires, parfois même après une erreur ... d'espèce. On m'a cité le cas d'un chevreau remis parmi des quartiers d'agneau.

 

Vous, éleveur, êtes content du voyage: votre nichée de porcelets de lait, arrivés tout fringants, ne vous est pas restituée. Vos chevreaux, tant attendus car c'est la saison, qui vous ont avalé deux litres de lait par jour (manque à gagner), vous ne pouvez pas les vendre. Vos agneaux, on ne vous rend pas le compte! Voilà bien une contrariété dont se passerait.

 

Plus près de nous, un collègue vitculteur et sa compagne qui s'occupe de chevaux se sont fait rosser d'envergure (avec hospitalisation et intervention chirurgicale) par des "voisins", éleveurs, avec qui de nombreux différends existaient depuis des mois, dans toute la communauté villageoise. Ici, malgré de nombreuses plaintes officielles, c'est le "système" judiciaire et pénal, mais avant lui le maintien de l'ordre, qui n'a pas fonctionné, avant d'en arriver là. Nos métiers sont difficiles, si en plus on doit se barricader ou s'armer comme jadis au Far-West pour pouvoir exercer.

 

Moins grave, mais très contraignant quand même car c'est toute l'organisation de l'emploi du temps de ce printemps qui s'en trouve modifiée, le risque de pénurie de carburant et de blocage des routes nous empêchera de faire nos "tournées " comme planifié. Un certain nombre de rendez-vous, imbriqués et intégrés à grand peine, doivent être annulés ou reportés. Cela signifie que des dégustations ne se feront pas, ou bien dans de mauvaises conditions. Cela nous privera de certaines commandes, pourtant bien nécessaires pour le moment. Et les livraisons en seront donc retardées aussi, avec une répercussion sur l'approvisionnement de nos restaurateurs et in fine sur nos/leurs ventes à la clientèle. Ceci me préoccupe au-delà de toute description car l'équilibre de mon activité en dépend. 

 

Je fais partie des opposants à la "loi sur le travail" pondue (éructée) par ce gouvernement incapable et traître envers les électeurs qui l'ont porté au pouvoir. J'ai pris la peine de m'informer, avec l'aide de Christine, sur son contenu. Mais la voie prise pour obtenir le retrait du texte prive toute une partie de la population de la possibilité de travailler à son tour.

 

Je ne sais pas quelle alternative vaudrait mieux,

mais je sais que cela porte un sérieux coup à MON activité.

Et je m'en passerais.

 

 

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